La question de l’euthanasie est une fois de plus relancée, sauf que le débat est toujours confisqué par les décideurs décidés à ce que rien ne change.
Co-fondateurs de l’association citoyenne Faut qu’on s’active ! et du Mouvement National pour une Loi Vincent Humbert, j’ai participé avec mes amis dont Marie Humbert à la rédaction d’un projet de loi instaurant un droit à l’euthanasie (500 000 citoyens l’ont signé !) et à de nombreux débats en France.
Et je reste plus que jamais convaincu de l’absolue nécessité d’une telle loi parce que l’euthanasie – la bonne mort – c’est le respect de la personne, de sa condition, de sa souffrance, de sa liberté. Elle est l’acte humaniste d’une tiers personne qui provoque volontairement la mort d’un individu - sur sa demande - atteint d’une maladie incurable qui lui inflige des souffrances morales et/ou physiques qu’il juge intolérable.
Le droit à l’euthanasie repose en effet sur 3 principes cardinaux indissociables :
- La reconnaissance que chaque homme est propriétaire de sa vie et qu’en tant que propriétaire de sa vie, il a la liberté inaliénable (et le droit doit en découler) de choisir comment il souhaite achever sa vie.
- Un état médical caractérisé par une maladie ou handicap qui ne peut être guéri entraînant des souffrances qu’il ne supporte pas ou plus malgré les traitements proposés.
- Une volonté répétée et affirmée de mourir de l’individu, en pleine possession des ses facultés intellectuelles et morales, totalement conscient et informé de son état et des possibilités de soins et d’accompagnement qui s’offrent à lui.
Or une minorité décisionnaire bloque ce droit parce qu’elle ne reconnait pas à l’homme la propriété de sa vie au nom d’une conception religieuse de l’existence : l’homme serait la créature de Dieu et il appartiendrait à Dieu de décider quand et comment chacun doit mourir.
Cette conception est tout à fait louable. Sauf que la foi relève de la liberté de croyance de chaque individu. Et qu’en tant qu’individuelle, elle est en soi pour soi : elle n’a pas à être imposée à autrui.
Aussi en refusant l’instauration d’un droit l’euthanasie au nom de conceptions religieuses personnelles, cette minorité porte atteinte à la liberté et à la dignité de chacun voulant réglementer nos vies en fonction de leurs croyances personnelles.
L’euthanasie est combattue comme les droits à la contraception et à l’avortement ont été et sont toujours combattus.
C’est encore et toujours le perpétuel combat entre ceux qui veulent laisser à chacun la liberté de choisir pour eux-mêmes et ceux qui veulent imposer à tous leur point de vue individuel.
On nous dit évidemment (c’est politiquement plus correct) que la loi Leonetti sur le développement des soins palliatifs est parfaite, qu’elle solutionne tous les problèmes et répond à toutes les demandes des patients.
Les soins palliatifs apportent des réponses et il est nécessaire de continuer à les développer de telle sorte que ceux qui veulent s’éteindre naturellement puissent vivre leurs derniers temps dans les meilleures conditions possibles. D’ailleurs le combat pour le droit à l’euthanasie est indissociable du développement des soins palliatifs et de tous les accompagnements et réponses qui permettent à chacun un vrai choix et de quitter la vie le plus conformément à leur volonté.
Mais qui peut raisonnablement et honnêtement décréter qu’une seule loi, qu’un seul dispositif suffit à répondre à toutes les situations ?
Affirmer que les soins palliatifs règlent tout et justifier ainsi l’inutilité du droit à l’euthanasie, c’est une parade sournoise qui vise à interdire la liberté de choisir : pour interdire une liberté ou un droit, il suffit de nier leur intérêt.
Mais plus grave encore, c’est mettre sous silence la souffrance et manquer de respect à tous ces hommes et ces femmes pour lesquels les soins palliatifs n’apportent pas de réponse suffisante à leurs souffrances.
Et bien sur on nous annonce (susciter la peur pour contrôler les esprits) qu’un droit à l’euthanasie serait une opportunité pour tuer tous les malades et infirmes, se débarrasser de ceux qui nous importune, et de faire des économies à la sécurité sociale.
Ce type d’arguments avait déjà été utilisé par les militants religieux anti-avortement. Sous prétexte que l’on autorisait l’avortement, toutes les femmes allaient avorter et on allait obliger des femmes à avorter contre leur gré.
Or il n’en est rien : les femmes choisissent librement, dans un cadre juridique sécurisé et respectueux et bénéficient de tout l’accompagnement qui leur est nécessaire depuis la phase de réflexion à la pratique de l’acte médical.
Il est d’ailleurs remarquable que ce sont ces militants qui portent la contrainte :
- ce sont bien les anti-euthanasie qui obligent à vivre et à souffrir ceux qui ne veulent plus vivre et souffrir.
- tout comme les anti-avortement veulent obliger des femmes à enfanter contre leur volonté.
L’obligation ne naît pas du droit, elle vient de ceux qui refusent d’octroyer un droit.
Il est d’autant plus avérer qu’une loi loin d’initier des abus, consiste justement à mettre un cadre à une pratique déjà existante, bien qu’illégale, prévenant ainsi tout abus : la loi par la réglementation protège.
Un droit ne peut exister qu’à travers une loi délimitant ce qui est autorisé de ce qui ne l’est pas, de ce qui peut être fait, de quelle manière et dans quelles circonstances : une législation extrêmement précise, rigoureuse et respectueuse des droits du malade, un protocole défini dans la clarté et qui suppose transparence et collégialité des prises de décision devenues accessibles aux malades et à leurs familles
Un droit donne une liberté, un choix, il ne contraint pas. L’absence de droit lui, empêche.
Cette loi instaurant un droit à l’euthanasie, comme proposé dans le projet de loi Vincent Humbert pourrait reposer sur quelques points essentiels.
La reconnaissance que toute personne majeure en mesure d’apprécier les conséquences de ses choix et de ses actes, est seule juge de la qualité et de la dignité de sa vie ainsi que de l’opportunité d’y mettre fin et qu’elle dispose du droit de recevoir une aide pour se retirer dans la dignité lorsqu’elle fait état d’une souffrance ou d’une détresse constante insupportable, non maîtrisable, consécutive à un accident ou à une affection pathologique, ou lorsqu’elle est atteinte d’une maladie dégénérative incurable.
Que dans ce cadre très précis et très ciblé, il ne peut y avoir euthanasie que si la personne a pu en exprimer la volonté claire, soit dans une déclaration de volontés anticipées (DVA) renouvelable, soit par écrit, ou soit oralement à plusieurs reprises.
Que cet acte doit s’inscrire dans un cadre strictement médical dans lequel le médecin (disposant d’une clause de conscience) a l’obligation de donner à son patient une information claire et complète sur son état de santé, dans l’état des connaissances scientifiques du moment, ainsi que sur les possibilités de recours à des soins palliatifs. Le médecin devra également prendre l’avis d’une équipe pluridisciplinaire tenue de s’entretenir avec les proches, avec l’équipe soignante
L’euthanasie telle que conçue relève bien d’une pratique humaniste et respectueuse des uns et des autres.
Il ne s’agit aucunement comme on veut nous le faire croire :
- d’éliminer les vieux, les malades et les handicapés
- tuer ceux qui coûtent trop chers à la sécu ou dont on ne veut plus s’occuper
- de décider à la place des autres et d’imposer la mort à quelqu’un
Il est tout à fait compréhensible que l’euthanasie heurte certaines âmes et sensibilités : le sujet est grave car il touche à la mort, à l’intime, il relève du choix individuel de mourir et entraine un acte qui va donner la mort. Il est tout à fait normal que nous ne partagions pas tous le même point de vue sur la question de l’euthanasie. Mais la liberté de chacun doit être respectée.
Or en interdisant un droit on interdit tout libre choix tandis qu’en autorisant un droit on laisse à chacun la liberté de choisir.
De quel droit, au nom de quoi ou de qui, quelques tenants d’un ordre moral qui n’acceptent pas qu’on puisse penser différemment d’eux, veulent imposer à tous leurs conceptions personnelles de la vie niant à chacun la propriété de sa vie, de son corps et de son esprit ?
Et jusque, dans leur aveuglement ou leur intolérance, nier la souffrance des hommes et les contraindre à une agonie parfois terrible.
Alors oui je réclame le droit pour chacun de bien vivre et de bien mourir. Le droit pour chacun de partir avec ou sans souffrance, d’attendre que la nature fasse son œuvre ou d’anticiper la mort de son vivant, de déterminer les conditions, le moment, les circonstances dans lesquels, à titre personnel, on aura jugé bon de refermer le livre de sa vie.
Est-ce trop demander ?